• • Les antiquaires avant Caylus
  • • Le refus de la collection pour la collection
  • • Les fondations d’un nouveau savoir
  • Alain Schnapp
    Professeur d’archéologie grecque Université Paris I Panthéon-Sorbonne

    La méthode de Caylus

    Caylus n’a pas eu la postérité qu’il méritait. Face à l’immense succès de Winckelmann, son œuvre a rapidement été oubliée. Il suffit de se rappeler ce que des esprits aussi originaux que Herder, Heyne ou Goethe [1] ont écrit sur ce dernier pour s’en convaincre. Aux portraits chaleureux et poétiques dressés en l’honneur du savant allemand correspond le petit poème bancroche attribué à Diderot : « Ci-gît un antiquaire acariâtre et brusque / Ah ! qu’il est bien logé dans cette cruche étrusque » [2].

    Certes, les hommes des Lumières, de Voltaire à Montesquieu, n’ont pas été tendres avec le comte, mais ce sont surtout les archéologues français du XIXe siècle qui, d’une certaine façon, l’ont négligé. La France n’a pas connu le déploiement systématique d’une Altertumswissenschaft qui faisait de l’Antiquité un pays à découvrir et de l’archéologie la voie royale de cette découverte. Caylus n’a pas été érigé en génie tutélaire d’une discipline qui peine à prendre son indépendance. Le grand seigneur, patron des arts de son temps, incarnait une figure moins poétique que le fils du savetier de Stendal, et son œuvre, dans sa forme même, se prêtait moins à la réception. Disséminée dans de nombreux mémoires, éclatée dans les sept tomes du Recueil d’Antiquités, elle ne pouvait prétendre à enflammer les imaginations et capter la curiosité comme les Gedanken ou l’Histoire de l’art. Wolf Lepenies a bien montré ce que l’œuvre de Winckelmann avait d’original et de singulier, et l’étude récente d’Élizabeth Décultot [3] vient à point nommé conforter ce point de vue. La clef du succès de Winckelmann tient au style : savoir, écriture, sociabilité sont les outils d’un parcours intellectuel qui ne dégage pas seulement un profond sentiment d’unité, mais se déploie en un temps record [4]. Plus dense, plus articulée, l’œuvre de Winckelmann s’est imposée comme un outil essentiel pour interpréter l’Antiquité. Winckelmann s’est battu sur deux fronts, celui de l’histoire philosophique et celui de l’histoire érudite, et il a réussi l’impossible synthèse [5]. Aucune œuvre antiquaire ne pouvait rivaliser avec un tel statut.

    Malgré l’intéressant travail de Samuel Rocheblave publié à la fin du XIXe siècle, l’œuvre archéologique de Caylus n’a pas fait l’objet d’une attention soutenue jusqu’à la dernière décennie. Le développement de l’histoire des techniques, la crise d’identité de l’archéologie ne sont certainement pas étrangers à une redécouverte qui établit entre son œuvre et l’archéologie moderne de puissantes filiations. Je voudrais dans les lignes qui suivent tenter de m’interroger sur l’originalité de l’œuvre en insistant sur la méthode. Il peut paraître hasardeux de parler de méthode à propos d’un homme qui écrivait : « Il n’y a pas de théorie générale sur les monuments et un coup de pied donné au hasard est capable de démentir les propositions de tous les antiquaires présents et futurs » [6]. Cette violente critique de l’esprit de système qui vise Winckelmann n’est pourtant pas contradictoire avec une autre proposition de Caylus qui sonne comme la prémisse d’un programme d’archéologie positive : « L’inspection de plusieurs monuments rapprochés avec soin en découvre l’usage, comme l’examen de plusieurs effets de la nature combinés avec ordre en dévoile le principe : et telle est la bonté de cette méthode que la meilleure façon de convaincre d’erreur l’Antiquaire et le Physicien, c’est d’opposer au premier de nouveaux monuments et au second de nouvelles expériences [7] ».

    Le comparatisme est la clef de l’étude des monuments : contre la théorie du climat de Montesquieu, reprise par Winckelmann, Caylus propose l’examen systématique des objets. Ce faisant, il retrouve presque les termes du génial antiquaire britannique du XVIIe siècle John Aubrey [8], mais il arrive à ce résultat par sa propre expérience et par sa réflexion personnelle. Il est l’un des premiers à affirmer que l’étude des antiquités est une science, et que comme telle elle doit se soumettre à des protocoles systématiques et rigoureux. En conséquence, il construit méthodiquement son Recueil comme le produit d’une entreprise dont son cabinet est le laboratoire. Caylus se distingue cependant de tous ses prédécesseurs par ce que son cabinet n’est pas une fin mais un moyen. Il met d’une certaine façon un point final à la pratique antiquaire héritée de la Renaissance, qui voyait dans la collection et dans la publication du catalogue l’achèvement du projet intellectuel d’exploration du passé. Jusqu’alors coexistaient deux types de savants : ceux qui créaient leurs propres collections et ceux qui travaillaient, comme Cassiano del Pozzo [9] ou Montfaucon, à des collections d’images, des « musées de papier ». Caylus opère la synthèse entre les deux traditions. Les objets constituent pour lui la source primordiale du savoir antiquaire, mais la collection comme telle n’est pas son but : l’exploration du passé réclame un horizon de comparaison toujours plus vaste dont le Recueil est le moyen. Montfaucon voulait illustrer l’Antiquité, la ramener à un corpus d’images, Caylus entend l’illustration comme le complément de l’analyse matérielle de l’objet.

    Les antiquaires avant Caylus

    La pratique de Caylus – avant de définir mieux sa méthode – instaure donc une rupture. Les antiquaires qui l’ont précédé, du moins ceux qui s’intéressent au monde gréco-romain, sont avant tout des hommes de l’écrit. Pour eux, un Graevius, un Gronovius, un Montfaucon, objets et monuments constituent un complément, une illustration de la tradition écrite. Le projet depuis Cassiano del Pozzo est de constituer une collection systématique susceptible d’éclairer l’Antiquité classique. Il s’agit de réaliser en matière de monument ce que les bénédictins ont construit pour le corpus des textes de la patristique, de rassembler des images dans un ensemble aussi commode que les volumes des Pères de l’Église. Montfaucon l’énonce clairement : « C’est ce que je tâche de faire ici, je réduis dans un corps toute l’antiquité : par ce terme d’antiquité j’entends seulement ce qui peut tomber sous les yeux et ce qui se peut représenter dans les images : cela ne laisse pas d’être d’une très vaste étendue » [10]. L’ Antiquité est accessible par les textes, mais réduite en images elle devient une sorte de méta-texte dont l’utilité est décisive. Cette approche a plusieurs conséquences. Elle tend à privilégier l’objet comme unité par rapport à l’objet dans son contexte : le vase hors de la tombe, le monument hors de son cadre topographique, la monnaie hors de toute stratigraphie. L’objet devient une image avec ses propriétés propres qui sont souvent peu respectueuses de la matière, des dimensions, du matériau, voire de l’état de conservation. À la différence de Peiresc, Montfaucon et ses prédécesseurs n’hésitent pas à recourir à des images d’objets dont ils n’ont pas inspecté l’original, voire, à la façon de Bianchini, à des reconstitutions fantaisistes comme l’arche de Noé miniature qui joue un rôle si important dans la Storia universale [11].

    La tradition érudite et littéraire de ces antiquaires contraste cependant avec un type de savoir qui procède en droite ligne des travaux des savants italiens de la Renaissance comme F. Biondo ou P. Ligorio, des hommes qui privilégient la relation entre les monuments et les sites et qui font de la périégèse un des outils de la connaissance du passé. Face aux savants de cabinet, des hommes de terrain qui collectent inscriptions, toponymes, traditions pour construire une histoire du paysage. Antiquaires allemands, britanniques et scandinaves ont excellé dans ce genre d’étude, dont la Britannia de Camden (1586), la Germania (1616) et l’Italia de Clüver (1619-1624), la Svecia Antiqua et Hodierna de Dahlberg (1676-1716) sont l’aboutissement. À cette curiosité topographique se rattachent les premières fouilles systématiques qui se généralisent dans le courant du XVIIe siècle dans les mêmes régions. Il ne s’agit plus, comme dans la Rome de la Renaissance, d’une chasse au trésor, mais de l’exploration du sol comme complément du relevé et de l’étude du paysage.

    Ce type d’enquête était né en Italie, mais il n’avait eu guère de postérité dans la péninsule, pas plus qu’en Espagne et en France durant tout le cours du XVIIe siècle. En France en particulier, ce genre d’entreprise est rare, et la curiosité est plus curiale et centralisée qu’ailleurs. Après la mort de Peiresc, les antiquaires – à la notable exception de Spon – sont attachés au Cabinet du roi et à l’Académie des inscriptions qui exerce bientôt sur ses consœurs provinciales une tutelle qui n’a pas toujours que d’heureux effets. Aussi, quand Caylus commence à s’intéresser aux antiquités, il s’impose tout de suite en créant autour de lui, grâce à sa passion et aux moyens économiques et sociaux dont il dispose, un réseau de correspondants, d’amis et d’obligés qui n’est pas sans rappeler celui – certes plus convivial – qu’avait créé Peiresc au siècle précédent. Surtout, en plaçant l’objet, la série, le lieu de production et les techniques au cœur de son entreprise, il renoue avec la tradition des antiquaires du Nord et des Îles britanniques. L’ancien régime antiquaire donnait le primat au texte sur l’image, à l’image sur l’objet, à l’objet sur le site : Caylus remet tout cela en cause.

    Le refus de la collection pour la collection

    Peiresc avait opposé le bon antiquaire « qui recherche les antiquités, les étudie et les publie » à celui « qui se contente de collectionner pour la garniture de ses armoires et l’ornement de sa demeure » [12]. Caylus, d’emblée, reprend ce thème à son compte et va plus loin : « Je vous prie de toujours vous souvenir que je ne fais pas un cabinet, que la vanité n’étant pas mon objet, je ne me soucie point de morceaux d’apparat, mais que des guenilles d’agate, de pierre, de bronze, de terre, de vitre, qui peuvent servir en quoi que ce soit à retrouver un usage ou le passage d’un auteur, sont l’objet de mes désirs » [13]. Autant que le passage d’un auteur ancien, l’usage est l’un des moyens de l’interprétation antiquaire. Le terme même est important ; Montfaucon, ainsi que ses prédécesseurs bataves et germaniques, s’intéressait aux usages. Mais par usages Montfaucon entendait surtout les mœurs ; Caylus, lui, porte aux objets un intérêt technique. Il entend élucider par une analyse minutieuse leur fonction et leur procédé de fabrication. L’objet est un prodigieux réceptacle de traces diverses qui portent témoignage de son histoire : « La beauté et la perfection du goût dans les morceaux me font autant plaisir qu’à un autre : mais leur possession n’est qu’un plaisir solitaire. La singularité d’un outil, d’une opération technique, produit l’instrument et le piquant de l’exécution » [14]. Là où ses prédécesseurs donnaient la prééminence au texte en cherchant à établir une équation stricte entre un vestige matériel et un témoignage littéraire, Caylus part de l’objet : « Je voudrois qu’on cherchât moins à éblouir qu’à instruire et qu’on joignît plus souvent aux témoignages des anciens la voie de comparaison » [15]. Caylus est l’un des rares antiquaires de son temps à avoir une bonne expérience de dessinateur et de graveur, il est aussi l’un des tout premiers à s’intéresser aux procédés de fabrication. Quand les objets lui parviennent par achat à un collectionneur ou par négociation avec un de ses correspondants, il s’assure autant que possible de leur origine. Puis commence un travail d’identification et de description qui se prolonge éventuellement par des analyses de matériau et par un dessin. Dans la préface au tome premier du Recueil, Caylus s’étend sur sa méthode : « Les monuments antiques sont propres à étendre les connaissances […] Ils éclaircissent les faits obscurs ou mal détaillés dans les Auteurs, ils mettent les progrès des Arts sous nos yeux et servent de modèles à ceux qui les cultivent. Mais il faut convenir que les Antiquaires ne les ont presque jamais envisagés sous ce dernier point de vue : ils ne les ont regardés que comme le supplément et les preuves de l’histoire [16] ».

    Caylus veut ainsi en finir avec l’objet entendu comme une illustration. Il s’attaque à l’image utilisée comme redoublement, confirmation du texte ou comme preuve naïve d’un événement historique. Il entend substituer au « musée de papier » les faisceaux convergents d’une démonstration qui prend en compte les éléments complémentaires que sont la forme, le matériau, la fonction et le lieu de production. Avant Caylus, le parcours antiquaire partait du texte pour trouver une image de l’objet. Caylus renverse la pratique : c’est l’objet, infime ou gigantesque, « guenille » ou chef-d’œuvre, qui est le point de départ. Une fois catalogué et dessiné, il devient un sujet d’interprétation, la tradition écrite n’est prise en compte que lorsque la documentation est établie.

    Caylus se méfiait des théories ; cependant, les quatorze pages de l’Avertissement du premier tome du Recueil, parues en 1752, résonnent comme le manifeste d’un nouveau projet scientifique et d’une organisation du savoir qui s’émancipe du poids de la tradition. Le cabinet n’est plus l’aboutissement du travail antiquaire, mais son commencement. Il ne se justifie pas par la rareté des objets qui le composent, mais par le lien qu’il établit entre l’antiquaire et l’œuvre qu’il étudie : « Je me suis borné à ne publier dans ce recueil que les monuments qui m’appartiennent ou m’ont appartenu ». C’est prendre le contre-pied de ceux qui, comme Montfaucon, à peine une trentaine d’années auparavant, s’employaient à rassembler et à faire connaître le plus d’images possibles de monuments et d’objets antiques. Dans sa préface aux Monuments de la monarchie française, Montfaucon s’était défendu avec une belle énergie contre ses critiques : « J’ai toujours choisi dans ce grand nombre de peintures, de portraits, de statues et d’autres monuments, ce qui m’a paru le plus sûr, et je n’ai pas manqué de citer les endroits d’où j’avais pris mes figures, afin que ceux qui seraient à portée d’en voir les originaux pussent observer si je les avais exactement copiés ».

    « J’ai usé de la même fidélité dans l’Antiquité expliquée et dans le Supplément. Je crois que le public me rend justice, et je pourrais alléguer là-dessus bien des suffrages réunis : cependant il se trouve des gens qui, animés de je ne sais quel esprit, semblent chercher les occasions de lancer quelques traits contre cet ouvrage de l’Antiquité, et comme ils m’attaquent sur la fidélité et le choix des monuments […] je ne dirai ici que ce qui entraîne la nécessité de ma défense. Ils voudraient me faire passer pour un misérable copiste qui, en multipliant les images, ne fait autre chose qu’amuser les ignorants, que représenter les antiquités qu’il ignore lui-même, et qui n’a rien de nouveau que l’encre et le papier » [17].

    La colère du savant bénédictin à l’égard de ses contradicteurs est bien entendu justifiée, mais elle est révélatrice de la différence d’approche qui sépare les antiquaires philologues, comme Montfaucon, de ceux qui s’intéressent avant tout aux monuments et aux objets du point de vue de leur structure physique. Sans entrer dans une polémique directe avec son prédécesseur, Caylus se fait le théoricien et l’organisateur de ce second courant. Dans les faits, Caylus renoue avec la méthode de l’autopsie, de l’inspection directe de l’objet dont Peiresc [18], plus d’un siècle auparavant, s’était fait le promoteur. Caylus porte cependant les conséquences d’une telle approche à des conclusions plus hardies : « Le dessein fournit les principes, la comparaison donne les moyens de les appliquer, et cette habitude imprime de telle sorte dans l’esprit le goût d’une nation que si en faisant fouiller on découvrait un monument étranger au pays ou l’on est, on pourrait conclure, sans craindre de se tromper qu’il est sorti d’un artiste lui-même étranger » [19].

    Si nous remplaçons le mot « goût » par le mot « type », nous retrouvons ici la règle de base de la méthode typologique en archéologie. Sans doute Caylus n’en est-il pas l’inventeur, mais il est le premier à en donner une définition aussi élégante et aussi universelle. La preuve en archéologie tient dans la comparaison, mais celle-ci à son tour ne saurait se limiter aux hasards des découvertes. En imaginant de recourir à la fouille, non pour collecter de nouveaux objets mais pour valider une hypothèse typologique, Caylus ouvre une voie décisive qui va permettre de réconcilier les antiquaires de cabinet avec les antiquaires de terrain, ceux qui achètent des objets et ceux qui vont les observer et les recueillir à la surface ou bien dans les profondeurs du sol. Tout objet reflète les caractéristiques de la culture qui l’a produite : voilà une idée fonctionnaliste qui ne trouvera sa pleine expression que dans l’œuvre des fondateurs de la méthode archéologique moderne A. F. L. Pitt-Rivers en Grande-Bretagne et O. Montelius en Suède [20]. La préface de Caylus contient en germe tous ces développements. Car l’antiquaire ne doit pas seulement répondre à la question de la provenance, du lieu de production de l’objet, il lui faut le placer dans le temps : « Le goût d’un pays étant une fois établi, on n’a plus qu’à le suivre dans ses progrès ou dans ses altérations […] Il est vrai que cette seconde opération est plus difficile que la première. Le goût d’un peuple diffère de celui d’un autre peuple presque aussi sensiblement que les couleurs primitives diffèrent entre elles ; au lieu que les variétés du goût national en différents siècles peuvent être regardées comme les nuances très fines d’une même couleur » [21].

    L’originalité de Caylus ne réside pas seulement dans le style de ses propos. D’autres avant lui, « antiquaires de la truelle », s’étaient posé la même question, surtout là où, en Scandinavie, en Grande-Bretagne, dans le nord de l’Allemagne, les sources écrites étaient rares ou défaillantes. Le mérite de Caylus est d’affirmer de tels principes alors qu’il travaille sur des périodes classiques et que son approche est celle d’un homme formé au cœur de la tradition artistique ancienne et moderne. Il élabore ainsi les outils d’une unification des pratiques antiquaires qui seule peut permettre de dépasser les traditions régionales et les habitudes intellectuelles propres à chaque milieu érudit. Le but de la science antiquaire est d’attribuer les monuments à un lieu et à une époque, et l’opération n’est pas souvent aisée : « Il est quelquefois impossible de fixer la date d’un monument. On doit dire cependant qu’en général, des yeux éclairés par le dessein remarquent des différences considérables où le commun des yeux ne voit qu’une ressemblance parfaite et les règles qui conduisent les premiers sont aussi sûres que celles qui nous apprennent l’âge d’un manuscrit » [22].

    L’étude d’un monument relève d’un travail attentif d’observations cumulatives, par l’entraînement de l’œil et, par la discipline descriptive qu’il s’impose, l’antiquaire devient ainsi un connaisseur. Les bénédictins avaient défini une méthode critique pour l’analyse et la datation des manuscrits ; Caylus entend appliquer ce modèle aux monuments. Là encore, dans sa formulation même, il innove et annonce des formules classiques comme celles d’Eduard Gerhard, le fondateur de l’archéologie positive au milieu du XIXe siècle, dont le mot d’ordre était : Monumentorum artis qui unum vidit, nullum vidit, qui millia vidit, unum vidit [23], ou le fameux aphorisme d’Aby Warburg : « Dieu est dans le détail ». En posant que tout objet manufacturé de main d’homme, de quelque forme ou matière qu’il soit, peut être attribué à un lieu et à une époque précise, Caylus énonce la règle de la typologie archéologique. Il enrichit cet axiome en soulignant que le comparatisme fait de l’objet un élément d’une série que l’antiquaire doit reconstituer. Il revendique ainsi un autre principe de l’archéologie moderne : le rôle des ensembles. Prestigieux ou infime, l’objet archéologique permet de remonter aux fonctions qui étaient les siennes dans l’Antiquité, chaque objet est une pièce d’un puzzle dont la reconstitution est la clef de l’interprétation archéologique. Dans cette conception, le chef-d’œuvre n’a pas plus d’intérêt que les objets les plus courants : « […] les meubles des rois et des gens riches ou puissants, ainsi que les instruments du culte, n’ont point eu de privilège exclusif pour arriver à la postérité : leur sort a dépendu des circonstances physiques, comme celui des objets de moindre importance » [24].

    Le but de l’archéologie est d’identifier les classes d’objets pour les destiner à un lieu de production et à un intervalle de temps. Mais cela ne suffit pas, il faut comprendre l’usage des objets, reconstituer la chaîne qui sépare le matériau brut de l’objet. L’histoire des monuments est inséparable de la fonction qui leur est assignée. À la typologie Caylus associe l’histoire des techniques, les plus nobles (peinture, sculpture) comme les plus humbles (céramique, verre, métallurgie). Montfaucon avait raison de défendre sa probité face à des critiques indues de son immense travail documentaire, mais il n’avait pas compris que le temps des “ musées de papier ” était compté. La méthode revendiquée par Caylus, le système d’étude et de publication qu’il propose ouvrent la voie à un nouveau dispositif des pratiques antiquaires qui peut embrasser en une vaste synthèse, soumise aux mêmes règles, les savoirs disparates des érudits.

    Les fondations d’un nouveau savoir

    Pour Caylus, tout fait sens, même les « guenilles ». D’autres, comme John Aubrey, l’avaient pressenti avant lui, mais personne ne l’avait exprimé avec autant de détermination et n’en avait tiré les conséquences profondes : « Les monuments présentés sous ce point de vue se distribuent d’eux-mêmes en quelques classes générales, relatives aux pays qui les ont produits, et dans chaque classe ils se rangent dans un ordre relatif au temps qui les a vus naître. Cette marche développe une portion intéressante de l’esprit humain, je veux dire l’histoire des Arts » [25].

    Le travail de classement, les exigences de la nomenclature ne conduisent pas à dissoudre le résultat des recherches en une foule de traits disparates. L’effort d’attribution des objets à des classes, le souci d’ordonner les classes en ensembles débouchent sur l’analyse d’un mécanisme général de l’esprit humain que Caylus nomme l’histoire des Arts. L’antiquaire rejoint ainsi l’artiste, l’histoire positive se marie avec l’esthétique. Les objets et monuments se distribuent suivant un axe temporel qui est aussi une succession de styles. Le Recueil s’ouvre sur les antiquités égyptiennes parce qu’il s’agit, selon le mot de Caylus, de la « source où les Anciens ont puisé ». Mais la difficulté des antiquités égyptiennes tient aux hiéroglyphes : ne pouvant les déchiffrer, les antiquaires en sont réduits à des conjectures. Le principe de sélection retenu est celui de la présentation d’objets qui n’ont pas été « rapportés », c’est-à-dire présentés avant Caylus, ou dont « l’explication présente quelque chose de nouveau ». Cependant, l’Égypte réclame une entorse au principe de « présentation » chronologique qui, selon Caylus, doit présider à l’analyse « du goût d’une Nation ». En fait, les pièces dont il dispose ne sont ni assez nombreuses ni assez bien connues pour répondre à un tel plan. Après une introduction consacrée à l’architecture, à la sculpture et au dessin, Caylus entre dans le vif du sujet. On perçoit la difficulté de l’entreprise. Si le cabinet est un laboratoire de l’histoire générale des arts, il faudrait qu’il puisse rassembler un échantillon de l’ensemble des pratiques : l’architecture, mais aussi la peinture, se prêtent mal au rassemblement des données dans un cabinet. Le collectionneur est dépendant de son réseau et de la mobilité relative des objets qu’il entreprend de rassembler. En bref, la méthode de Caylus répond à des objectifs archéologiques au sens moderne du terme, mais les moyens dont il dispose relèvent de l’ancienne technique antiquaire. En matière d’égyptologie, Caylus ne peut rivaliser avec les voyageurs et les diplomates, rares encore, mais qui ont le privilège d’observer les antiquités sur le terrain. Pour ce qui est de l’étruscologie, il en va de manière différente depuis la publication posthume du De Etruria regali de T. Dempster par une série de savants florentins sous la direction de Filippo Buonarroti et de Thomas Coke en 1723 [26]. Entendue comme une source de la fierté nationale toscane, l’Antiquité étrusque est alors l’objet d’une intense exploration, menée par des érudits qui ne se contentent pas de récupérer les travaux du siècle passé mais s’engagent dans des prospections et des fouilles, bref dans un projet intellectuel qui permet à l’Italie de recouvrer sa place dans le monde antiquaire et à la Toscane de batailler contre la dominance culturelle romaine. Les Étrusques, pour Caylus, sont les premiers héritiers des Égyptiens, le chaînon entre l’Orient et le monde gréco-romain. Caylus est diffusionniste en matière d’influence, mais il n’est pas migrationniste : « Comment chez les Étrusques, qui ont emprunté tant d’usages des Égyptiens, ne trouve-t-on aucune trace des embaumements et des cérémonies introduites pour honorer la mémoire des morts ? Elles n’ont pas apparemment été reçues en Étrurie. Ce qui semble condamner l’opinion de ceux qui croient que les Étrusques ont été une colonie égyptienne : car les nouveaux peuples ont toujours conservé les principaux usages de ceux à qui ils devoient leur origine » [27].

    C’est dans la statuaire et la peinture que s’exprime au mieux la contribution des Étrusques à l’histoire de l’art. La sculpture est accessible, mais la peinture est entièrement perdue, d’où le recours à la peinture sur vase qui devient pour l’antiquaire un des moyens cardinaux de reconstituer un art inaccessible. De fait, la majeure partie des planches dédiées aux Étrusques dans le Recueil concernent des planches de vases.

    Avec les Grecs, une nouvelle étape est franchie dans la longue marche du progrès des arts. Caylus, qui est un admirateur de l’art grec aussi convaincu que l’ensemble de ses contemporains, s’emploie cependant à souligner la filiation égyptienne de la tradition grecque. Il voit toutefois l’originalité des Grecs dans « l’imitation de la nature ». L’obstacle à la connaissance de l’art grec tient à la rareté des vestiges. Là encore, le collectionneur s’efface devant l’intérêt du savoir : « On ne peut même guère espérer d’en acquérir [des antiquités grecques], parce que l’on exécute avec sévérité les ordres de n’en point laisser sortir de Rome, qui en est la source la plus intarissable. Loin de blâmer les Italiens, nous devons encore leur savoir gré de veiller à la conservation de ces précieux monuments » [28].

    Il n’est bien sûr pas question, malgré les voyages archéologiques de Nointel et de Fourmont, d’avoir un accès facile à la Grèce d’Europe ou d’Asie, que Caylus a été l’un des rares à visiter dans la suite de l’ambassadeur de France en 1716. Aussi l’amateur d’art grec doit-il se contenter de « morceaux », et tout particulièrement de pierres gravées et de camées. Ceux-ci forment le cœur du premier volume de la section grecque du Recueil, comme les vases constituent la richesse principale de la section étrusque. Dans les faits, malgré son ambition théorique d’écrire une histoire des arts de l’Antiquité par les œuvres, Caylus doit se contenter de rédiger une histoire des œuvres limitée à certaines catégories de matériel.

    Si la connaissance de l’art relève de l’étude de l’original, celle du monde romain tient de l’imitation. Ici il s’agit d’un jugement aussi esthétique que moral : « Après la prise de Corinthe par Memmius, après le triomphe de Paul-Émile et celui de Pompée, les richesses de la Grèce et de l’Asie s’étant répandues dans Rome, ses habitants ouvrirent les yeux sur l’utilité des Arts, mais comme ils les aimèrent moins par un goût éclairé que par luxe et par vanité, ils abusèrent bientôt de tout ce qui les avait frappés » [29].

    L’art romain est un art de masse au service du luxe et de la richesse de l’Empire. Il prolonge les avancées de l’art grec, sans génie propre toutefois. Paradoxalement, mais pour des raisons évidentes, la section romaine est la plus fournie, et ce sont les objets de petite statuaire et l’instrumentum domesticum qui l’emportent dans les descriptions.

    On le voit, la méthode de Caylus, si clairement affirmée dans la préface du premier tome, doit s’adapter aux conditions du marché et aux œuvres disponibles. Bien souvent, d’ailleurs, le travail d’autopsie est limité à l’analyse des objets, faute de pouvoir disposer des informations relatives au lieu et à l’origine des découvertes. Caylus n’a pu suivre à la lettre les intuitions qui étaient les siennes et qu’il exprime avec tant de force dans sa préface, mais la ligne d’ensemble est respectée et l’attention qu’il porte aux aspects physiques et chimiques de l’étude des œuvres fait de lui un précurseur de l’archéométrie. Caylus dessine de nouveaux horizons, il ouvre des directions de recherche fécondes, mais son parti de s’en tenir à la forme du cabinet illustré nuit d’une certaine façon à la cohérence de son œuvre et à l’expression de sa théorie de l’art. L’un des points les plus intéressants, cependant, de son approche, est sa vision d’une Antiquité comparative qui n’est pas simplement liée au monde classique. S’agissant des antiquités gauloises, son attitude est fort instructive.

    Dans sa présentation des antiquités romaines Caylus, écrit : « Je n’ai pas jugé à propos de faire une classe particulière des antiquités trouvées en France : elles appartiennent en général aux Romains, qui ont été longtemps les maîtres de la Gaule » [30]. Pourtant, dans le tome III du Recueil, paru en 1759, sa position a considérablement changé. Aux antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines, il ajoute une nouvelle catégorie, celle des antiquités gauloises. Il s’agit dans les faits d’une entrée discrète. Caylus insiste sur le côté universel de ce type d’antiquités. Les recherches sur les monuments de l’ancienne Gaule intéressent d’autres hommes que les seuls régnicoles, elles peuvent contribuer à l’histoire romaine. Ainsi les Gaulois entrent-ils presque par effraction dans le Recueil quand les anciens Germains et les anciens Scandinaves avaient trouvé place dans leurs pays respectifs. Caylus s’excuse presque : « Les Gaulois, avant la conquête des Romains, sont un objet si peu considérable par rapport aux arts et aux monuments que je me suis contenté de rapporter sans entrer dans aucun détail, le petit nombre de monuments que le hasard m’a fourni, et qui m’ont paru leur appartenir » [31].

    Mais au fil des pages, Caylus se prend de passion pour ces antiquités si décriées. Grâce à ses contacts avec les ingénieurs des Ponts et Chaussées, il jettera les bases d’un atlas topographique des Gaules. Montfaucon avait, au demeurant, fait une place à ce qu’il appelait les « Antiquités septentrionales ». Caylus, sous l’influence d’antiquaires comme Félix de la Sauvagère et du président de Robien, s’attachera à l’étude de monuments qui, pour être fort anciens, n’avaient rien de particulièrement « septentrional ». En intégrant dans la section « gauloise » du Recueil des monuments qui échappaient à la compréhension historique de ses contemporains, il a une fois de plus ouvert des perspectives insoupçonnées. Contre ceux qui voyaient dans les alignements de Carnac des constructions gauloises, un camp romain, ou les traces des invasions germaniques, il exprimera un point de vue fort proche de celui de John Aubrey : « […] car je suis bien éloigné de donner ces monuments aux anciens Gaulois ; […] les monuments mêmes certifient que les Gaulois ne peuvent y avoir aucune part ; car il est constant qu’étant maîtres de l’intérieur du pays, ils auraient élevé quelques-unes de ces pierres en plusieurs endroits du continent […]. Secondement, ces pierres donnent l’idée d’un culte bien établi ; et nous savons assez quelles étaient les mœurs et la religion des Gaulois pour ne leur point attribuer cette espèce de superstition. Troisièmement, l’arrangement de ces rochers prouve le désir qu’avait cette nation de passer à la postérité […]. Quatrièmement, la quantité de ces pierres placées sur la côte de Bretagne, constate la longueur du séjour fait dans cette partie de la Gaule par des peuples dont la façon de penser était uniforme, au moins sur cet article […]. Ces réflexions augmentent la singularité du silence absolu que la tradition même a gardé sur un usage si répété : on peut en inférer une antiquité d’autant plus reculée, que du temps des Romains, la trace en était perdue » [32].

    Le raisonnement de Caylus arrive à démontrer l’antiquité extrême des mégalithes en s’appuyant sur les principes typologiques qu’il évoquait dans l’introduction du Recueil : ils ne correspondent à rien de connu en ce qui concerne tant la tradition matérielle que le culte des Gaulois. Ils ne sont présents que sur une part littorale de l’ouest de la France et semblent affirmer une tradition culturelle bien définie. À ces réflexions de méthode s’ajoute l’argument littéraire : pour qu’aucun auteur antique n’en fasse part, il faut que ces monuments remontent à un passé inaccessible aux historiens classiques.

    Au fil des volumes du Recueil, le point de vue de Caylus a changé, son expérience s’est enrichie, ses contacts, tant avec les ingénieurs du roi qu’avec les intendants et ses correspondants, ont contribué à l’ouvrir à une conception de l’histoire humaine qui n’était plus seulement dépendante de la tradition gréco-latine. À travers les notices du Recueil s’énonce peu à peu un nouveau type de curiosité pour le passé qui donne autant de place aux faits matériels qu’à la tradition écrite. Le début des Époques de la Nature de Buffon sonne comme un hommage à cette conception de l’histoire : « Comme, dans l’histoire civile, on consulte les titres, on recherche les médailles, on déchiffre les inscriptions antiques, pour déterminer les époques des révolutions humaines, et constater les dates des événements moraux ; de même dans l’histoire naturelle, il faut fouiller les archives du monde, tirer des entrailles de la terre les vieux monuments, recueillir leurs débris, et rassembler en un corps de preuves tous les indices des changements physiques qui peuvent nous faire remonter aux différents âges de la nature » [33]. Buffon a réalisé pour la nature ce dont Caylus avait rêvé pour l’histoire de l’homme : en ce sens, Caylus est autant un homme des Lumières qu’un précurseur de la science du XIXe siècle.

    Notes

    [1Johann Gottfried Herder, « Denkmal Joachim Winckelmann », in Schriften zur Ästethik und Litteratur, Francfort, 1993 (1778), p. 654 sq. ; Christian Gottlob Heyne, Lobsschrift auf Winckelmann, A. Schultz éd., Berlin, 1963 (1778) ; Johann Wolfgang Goethe, Winckelmann und sein Jahrhundert, Tübingen, 1805.

    [2Samuel Rocheblave, Essai sur le comte de Caylus, l’homme, l’artiste, l’antiquaire, Paris, 1889.

    [3Wolf Lepenies, « Der andere Fanatiker, Historisierung und Verwissenschaftlichung der Kunstauffassung bei J. J. Wincklelmann », in H. Beck, P. C. Bol, E. Maek-Gérard éd., Ideal und Wirklichkeit der bildenden Kunst in späten 18. Jahrhundert, Berlin, 1984, p. 18-29 ; Élizabeth Décultot, Johann Joachim Winckelmann. Enquête sur la genèse de l’histoire de l’art, Paris, 2000.

    [4Entre la publication des Gedanken (1755) et celle de l’Histoire de l’art (1764) il ne s’écoule pas dix ans.

    [5Décultot, op. cit., p. 278-281.

    [6Charles Nisard, Correspondance inédite du Comte de Caylus avec le P. Paciaudi, théatin (1757-1765), Paris, 1877, lettre IX, p. 38.

    [7Anne Claude Philippe de Tubières, Comte de Caylus, Recueil d’Antiquités égyptiennes, grecques, étrusques et romaines, Paris, 1752-1767, 7 vol., I, 1752, Introduction, p. IV.

    [8Sur Aubrey, voir Alain Schnapp, La Conquête du passé, aux origines de l’archéologie, Paris, 1998, p. 229-237.

    [9Sur Cassiano, voir la synthèse d’Ingo Herklotz, Cassiano dal Pozzo und die Archäologie des XVIII ten Jahrhundert, Munich, 1999.

    [10Bernard de Montfaucon, L’Antiquité expliquée et représentée en figures, Paris, 1719, I.

    [11Sur Bianchini, voir A. Schnapp, op. cit., p. 227-229.

    [12Pierre Gassendi, Viri illustris Nicolai Fabricii de Peiresc…, Paris, 1641, p. 235.

    [13Nisard, op. cit., I, p. 4.

    [14Ibid., VII.

    [15Caylus, op. cit., 1752, I, Avertissement, p. III.

    [16Ibid., p. II.

    [17Bernard de Montfaucon, Les Monuments de la monarchie française, qui comprennent l’histoire de France ; avec les figures de chaque règne que l’injure des temps a épargnées, préface, IV, cité et commenté par Emmanuel de Broglie, Bernard de Montfaucon et les Bernardins, 1715-1715, 1891, p. 231-232.

    [18Sur Peiresc, voir Peter N. Miller, Pereisc’s Europe : Learning and Virtue in the Seventeenth Century, New Haven, 2002.

    [19Caylus, op. cit., I, Avertissement, p. VII-VIII.

    [20Sur la naissance de la typologie et les paradigmes évolutionnistes, voir Glyn Daniel, 150 Years of Archeology, Duckworth, 1978, p. 122-190.

    [21Caylus, op. cit., I, Avertissement, p. VIII.

    [22Ibid., p. VIII-IX.

    [23« Celui qui voit un objet une seule fois n’a rien vu, celui qui le voit mille fois en voit un ».

    [24Caylus, op. cit., 1759, III, Préface, p. X.

    [25Id., 1752, I, Avertissement, p. IX.

    [26Mauro Cristofani, La soperta degli Etruschi, archeologia e antiquaria nel 700, Rome, 1983, p. 18-43.

    [27Caylus, op. cit., 1752, I, p. 79.

    [28Caylus, op. cit., 1752, I, p. 120.

    [29Ibid., p. 158.

    [30Ibid., p.159-160.

    [31Id., III, 1759, p. 322.

    [32Caylus, op. cit., VI, p. 386-387.

    [33G. L. Leclerc de Buffon, Des époques de la nature, Paris, 1778, p. 1.